Lumières et ténèbres ou progrès et régrès

Admirable, ce texte dans lequel Emmanuel Kant célèbre l’avènement Des Lumières ! Figures paradigmatiques du progrès de l’esprit humain, elles reposent sur une raison aux ailes amplement déployées. Moment clef de cette ambition émancipatrice, L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, tout l’éclat lumineux du XVIIIe siècle y concourt, Montesquieu, Voltaire comme Condorcet. L’époque exalte les sciences et les techniques. Elle parie sur leur capacité de transformation des conditions matérielles d’existence. Ce progrès matériel s’associera nécessairement à une transformation spirituelle. Que nous apprend la suite de cette histoire ? Le XIXe siècle a promu un développement sans précédent d’une technologie, fondée sur la rationalité des sciences. La promesse d’un gain spirituel fut-elle alors accomplie ? Difficile souvent de le soutenir. Le XXe siècle fut la scène d’une manifeste régression, débutant avec la Grande Guerre et le génocide arménien, puis siècle du goulag et du stalag. Comment qualifier le nazisme, autrement que la manifestation de la plus extrême barbarie ? L’analyse lucide de Primo Levi inquiète. Dans son dernier ouvrage, le rescapé d’Auschwitz considère la Shoah comme fait unique de destruction humaine, tout en ajoutant que rien ne garantit qu’il ne puisse pas se reproduire. Depuis 1945, des horreurs semblables ont vu le jour. Comment s’en prémunir ? Que pèse le progrès de la démocratie et des libertés publiques, la fonction irremplaçable de l’école pour faire face ? Plus généralement, la question se pose avec les manifestations de la civilisation, en particulier l’art. Ne suffit pas l’idée, selon laquelle une lumière peut projeter la noirceur de son ombre et que, par-delà l’obscurité du régrès, demeurerait la lumière du progrès. Sans doute, faut-il interroger la rationalité instrumentale, en elle-même capable de conduire aux ténèbres de la barbarie. Pas question, pourtant, de se passer de la raison pour cette interrogation ! Quelles autres dispositions de l’âme humaine faut-il lui adjoindre pour échapper aux ténèbres et façonner l’humanité ? Quelles places occupent la bonté, la force de la liberté ? Comment concevoir que l’éclat de leur lumière puisse faire advenir un progrès spirituel décisif et durable ? Pour cette réflexion, il sera opportun d’accompagner le propos de visuels, en particulier artistiques.

Auteur

Jean-Philippe Catonné
philosophe et psychiatre
 

Référence
RA006-03
Ombre et Lumière
Journées d’Automne 2014
Catégories
art-thérapie, psychologie, cinéma, musique
Noms propres
Duchamp M., Hergé, Caravage M., Sadoul N.
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