Lumière sur les traversées de l’ombre dans l’œuvre de Jean-Michel Basquiat  

La fascination morbide de Jean-Michel Basquiat pour des passés, historique et personnel, qui se juxtaposent, épouvanté par la société contemporaine, offre un interstice créatif entre art brut et néo-expressionnisme américain. Écriture, sonorités, contrastes, couleurs tapageuses, rythment ses compositions dans lesquelles encerclements et autres dessins obsessionnels ou autistiques traduisent une pulsionnalité active et intense, et la nécessité de circonscrire, par la forme, les limites dedans/dehors. Les alternances entre assombrissements radicaux et éclairages brutaux, comme ruptures agressives via l’utilisation du pastel gras, semblent se substituer aux estompages, à l’ombre et à la lumière dans leurs nuances ; traduisant l’élaboration d’un nouveau langage en quête de démarcation de l’académisme pictural et du conformisme sociétal. Les questions de l’identité, des identifications et de l’autoréflexivité, sont au coeur de l’oeuvre de Jean-Michel Basquiat, et s’inscrivent dans une dynamique de construction/déconstruction, entre dislocation et tentatives de (re)structuration. Le caractère éminemment pulsionnel de ses dessins et de sa peinture, figure la souffrance somatopsychique, interrogeant le corps, ses contours, la psychose et ses violences, dévoilant l’impératif de laisser une trace, entremêlée des stigmates du passé (cf. carnets, croquis). L’obsession pour la thématique de l’intérieur du corps inspirée d’un ouvrage d’anatomie offert par sa mère schizophrène (cf. son premier portfolio) figure la compulsion de répétition : c’est son propre corps qui est souvent au centre de l’image, amputé de la rate suite à un accident lorsqu’il avait sept ans, tombant en décrépitude à cause de la drogue, métaphorisant un corps maternel archaïque et morcelé. Ce sont la tragédie humaine, les figures de la mort, les corps fragmentaires, les préoccupations hypocondriaques d’un intérieur vécu comme étrange et inquiétant, que Jean-Michel Basquiat représente. Dans cette communication, nous tenterons d’approcher les points les plus troubles de sa personnalité, comme autant de traumatismes, de régressions et de transgressions orales et anales, réinvestis pour « faire oeuvre ».

Auteur
Marjorie Roques
maître de conférences en psychologie, université de Caen Basse-Normandie.
Référence
RA006-19
Ombre et Lumière
Journées d’Automne 2014
Catégories
art-thérapie, psychologie, cinéma, musique
Noms propres
Duchamp M., Hergé, Caravage M., Sadoul N.
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