Chasseur ou cueilleur, la violence à l’œuvre dans le geste photographique

La violence loge au cœur même de la photographie, elle est son angle mort, son point aveugle. En tant que dispositif mécanique, la photographie ne peut évacuer sa parenté technologique avec l’arme à feu, qui l’a inspirée dans sa forme moderne et toujours actuelle. En tant qu’elle s’adresse à la pulsion scopique, elle ne peut pas non plus ignorer sa nature voyeuriste, liée à l’intention de l’opérateur de voir intensément tout en étant caché derrière l’appareil. Elle peut encore moins faire abstraction de la notion d’objectivation immédiatement soulevée par l’acte de la prise de vue. Si la photographie est un outil pour aller-vers (Ad-gressere en latin) le monde et les autres ainsi que le soutiennent les photographes, elle n’en active pas moins d’intenses forces pulsionnelles face auxquelles elle les oblige à se positionner. « Chasseurs » ou « Cueilleurs » d’images, nous considérerons les caractéristiques de ces deux styles d’être-photographe à travers l’histoire de la photographie contemporaine. Nous examinerons également comment, malgré une approche sensible et un désir d’aller à la rencontre du monde et des autres dans un rapport esthétique, une violence résiduelle persiste dans la photographie. Une part fauve, celle justement du « chasseur», s’obstine. Serait-ce parce que la photographie s’offre comme un dispositif qui tout à la fois la cadre et l’impulse? Plus qu’aucun autre, le médium photographique en tant que tel, et non pas simple ment le contenu des représentations qu’il produit, agite les questions éthiques et politiques qui structurent notre rapport à l’autre. Son ambiguïté propre, intimement liée à son irrémédiable assujettissement au réel, nous apparaît comme symptomatique de l’insolubilité du Malaise dans la civilisation théorisé par Freud.

Auteur
Marion Lefebvre
photographe, art-thérapeute
 
Référence
RA014-15
Violences
Journées d’Automne 2019
Catégories
art-thérapie, psychologie, cinéma, musique
Noms propres
Duchamp M., Hergé, Caravage M., Sadoul N.
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