Quand la démesure donne la mesure

Durée de l’hospitalisation, profusion de dessins, peintures, écrits, tout est démesuré chez ce patient ! Véritable homme-orchestre, il joue sur tous les registres d’une créativité débordante. Le professeur Volmat a confié à la SFPE-AT le soin de protéger et de conserver pas moins de 382 travaux de Maurice Blin exécutés à l’hôpital pendant peu de temps au cours des quarante dernières années de sa longue vie. D’autres sont conservés à l’hôpital Sainte-Anne, mais des milliers se sont sans doute perdus au long des trente dernières années de son séjour dont nous ne savons plus rien. De même que nous ne savons que très peu de choses de son histoire en dehors de ce qu’il nous confie dans ses œuvres – avec ce défi : « Sortez la tête de vos livres qui me réduisent à un diagnostic de manie chronique ! Écoutez ce que j’ai à dire sur le monde comme il va ou plutôt comme il ne va pas. »

De Ménilmontant où il était né en 1893, il avait gardé la gouaille et l’argot parisien ; de son école, il poursuivait les matières enseignées : la musique, le dessin, le dessin industriel et les mathématiques. De ses parents aux métiers disparus il avait hérité le choix de l’artisanat. Que se passe-t-il en 1935 quand ce destin qui semblait tracé dérape ? L’ombre d’Alfred s’est abattue sur le monde et l’en a délogé. Une ombre gigantesque, l’ombre noire de la trahison et de l’abandon. Exilé volontaire, c’est à l’hôpital, dont il ne veut plus sortir, que ce combattant solitaire lutte de toutes les forces de sa créativité à donner la mesure de sa rancune :

« Je vis de cette idée ou plutôt j’y trouve un sens, une unité à ma vie, une profondeur. »

Auteur
Béatrice Chemama-Steiner
psychiatre, psychanalyste
beatricesteiner@mac.com
Référence
RA019-22
Mesure Démesure
Journées d’Automne 2022
Catégories
art-thérapie, psychologie, cinéma, musique
Noms propres
Duchamp M., Hergé, Caravage M., Sadoul N.
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