Créés en milieu psychiatrique : des objets en instance ?

Depuis plus de deux siècles, des objets sont créés en
institutions psychiatriques et autres lieux de soin.
Ils sont de toutes sortes, dessins, peintures, mode-
lages et sculptures, écrits, tapisseries, etc., et de tous
formats.
D’abord négligés, relégués dans des lieux d’exclusion
et dans l’exil de la raison, certains doivent à quelques
passeurs d’avoir franchi la ligne de démarcation, celle
des murs institutionnels, mais aussi celle séparant
l’art officiel de « l’art des fous ». Les passeurs furent
soignants, puis artistes et écrivains, bientôt suivis
par des chercheurs, psychologues, psychanalystes,
historiens d’art, etc. Au passage, ils ont apposé leur
propre marque sur ces objets qui, à l’extérieur des
lieux de soin, ont pris différentes dénominations.
Objets d’étude pour la psychopathologie de l’expression,
ou élevés au rang d’œuvres d’art, ils ont surtout
suscité des débats passionnés et polémiques durant
le XXème siècle et qui se poursuivent aujourd’hui.
Faute de statut administratif qui pourrait définir leur
place et les devoirs de l’institution les concernant,
ils restent des passagers clandestins, des objets en
instance. Ne nous sont souvent parvenus que des
rescapés, sauvés de la destruction et de l’oubli par des
initiatives individuelles : collectes à des fins diverses,
collections privées et publiques. Plus récemment,
les ateliers d’art-thérapie ont officialisé la création
dans les lieux de soin, sans que leurs objets n’aient
davantage de statut.
Les questions essentielles, éthiques et juridiques,
concernant les créations et leurs auteurs restent
posées : leur présence, leur fonction, leur avenir ?
Et qui en décide ?
De nos réponses à ces questions dépendent leur
accueil et leur intégration dans notre patrimoine.