Le rouge criant de la violence vitale

Le rouge criant au noir et au blanc est le marqueur originaire de la peinture exprimant avec le plus d’acuité le contraste violence vitale/létale. Celui-ci traduit le conflit pulsionnel libido-des-trudo que le travail psychique métabolise par ses choix, les formes et les récits qu’il crée ou contemple comme autant d’écrins de beauté et d’écrans de projection des cris du vivant pulsatile, non réductibles à l’agressivité ni à la cruauté. Des cris de la naissance à ceux du deuil traumatisant, le rouge des « saignatures » ou du feu s’imposent en déflorant la jouissance blanche irradiante ou en poignant la terreur du noir néantisant. Ce choc couleur générateur comme le cri devenant voix et parole, associé avec d’autres déterminants d’interprétation (chromesthésiques, kinesthésiques, formels et sémantiques) se révélera esthétiquement et cliniquement fécond, notamment avec la création par Rorschach de son test projectif éponyme. Au cours du xxc siècle le plus meurtrier de l’histoire, la violence s’attaqua aussi dans le monde artistique et des idées au primat de la Représentation. Les défigurations, les révolutions, les conflagrations firent déborder l’hubris rouge des folies subjectives et sociétales sur les toiles du fauvisme, du cubisme, des expressionnismes, des néo-figurations. Picasso, Munch, Schiele, Nicolas de Staël, Bacon, Cueco, Rothko, Newman comme nombre d’auteurs dits singuliers nous font témoins du sujet en panne de sublimation et de transcendance poussant un cri d’appel déchirant : pourquoi m’as-tu abandonné? (Eli, Eli lama sabachthani ? Matthieu, 27 :46)

Auteur

Jean-Pierre Martineau
professeur honoraire de psychologie clinique et psychopathologie,
université Paul Valéry, Montpellier.
jean-pierre.martineau0152@orange.fr

Référence
RA014-02
Violences
Journées d’Automne 2019
Catégories
art-thérapie, psychologie, cinéma, musique
Noms propres
Duchamp M., Hergé, Caravage M., Sadoul N.
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