Figures rythmiques alternées, objectives et subjectives, de la mesure et de la démesure

« L’Homme est la mesure de toute chose… » Le fameux adage à coloration relativiste, issu d’Héraclite, n’en finit pas de laisser derrière lui un sillage tenace de songeries déjà fort embarrassant pour Platon. Il l’attribue sans vergogne à Protagoras, ce qui l’autorise à le momifier dans la rubrique des sophismes. Cette attitude méprisante est surtout dictée par la butée ainsi opposée à ses propres principes d’une conquête idéale de vérité absolue et définitive, à la fois fondement et finalité d’une philosophie fidèle à ses préceptes.

Une certaine science tout aussi majuscule, au nom comme en vertu d’une objectivité qui se drape parfois de la même transcendance majestueuse, a fait de la mesure un dogme sinon « le » dogme, se risquant à détourner la formule déjà discutable d’Aristote pour qui « il n’y a de science que du général » vers celle bien plus restrictive de Lord Kelvin qui professe qu’« il n’y a de science que du mesurable ». Une table de la Loi racornie à un seul article, sous l’influence probable d’ambiguïtés emberlificotées entre l’hubris et la némésis, dérives de l’identification à un Dieu outrancier et punitif, géomètre plutôt qu’amoureux, ça va de soi.

L’aphorisme exact du vieil Héraclite se complétait, on l’oublie trop souvent, d’une suite encore plus mystérieuse : « […] de toutes celles qui sont comme de toutes celles qui ne sont pas. » C’est à cette dernière partie, au carrefour de la subjectivité et de l’objectivité, de la démesure et de la mesure, que nous voudrions réserver une place d’honneur en accordant à toutes ces choses « qui ne sont pas » un rôle prépondérant dans nos activités de praticiens auxquelles elles sont vouées comme reflet crypté de celles qui seraient susceptibles d’être ou d’advenir.