Camille Claudel, entre ombre et lumière

« Mais moi, de qui dira-t-on que je suis l’ombre ? non
pas de cet homme ou de cette femme séparés,
Mais de tous les deux à la fois qui l’un dans l’autre en moi se sont submergés
En cet être nouveau fait de noirceur informe… »

Paul Claudel, Le Soulier de satin, scène XIII, « l’Ombre double11».

J’ai déjà exposé, lors des Journées d’automne de 2010, pourquoi et comment l’œuvre de Camille Claudel entretenait avec l’ombre des rapports singuliers. D’une vie émouvante surgit en effet une œuvre peuplée d’ombres. Ombre d’un frère mort d’abord ; ombre de l’œuvre de Paul, masquant de son aura celle de Camille ; de Rodin ensuite, comme estompée sous l’ombre d’un maître dont la stature emplira d’adoration fervente — et pour sa perte — une jeune femme née dans un deuil maternel. Comme commissaire de plusieurs expositions Camille Claudel, j’ai exposé ses sculptures dans une lumière en clair-obscur, révélatrice à mon sens des profondeurs de son drame et de son esthétique. À l’inverse de ce qui apparaît comme la tradition même, l’extraordinaire pouvoir des figures de Camille émane de l’ombre. Quand un visage, un dos, un bras sont immergés dans la pénombre, quand à la continuité de découpes trop éclairées se substituent quelques lueurs surgies de la nuit, s’ouvre pour l’imaginaire un espace sculptural phénoménal. Les formes sortent de leur définition commune ; elles semblent habitées d’une puissance saisissante hors de portée de la pensée concrète. Elles sont l’incarnation même d’une lutte saisissante entre le jour et la nuit. C’est une vidéo créée à l’occasion de ces expositions que nous visionnerons. L’enjeu de cette projection était de préparer sensiblement les visiteurs à découvrir un œuvre, comme on ne l’avait jamais montrée, sous la lumière du clair-obscur révélatrice à la fois de la création incomparable et de la vie tragique de Camille Claudel. Il fallait, pour cette évocation, trouver, une personnalité capable d’évoquer ces voix de l’ombre, au rythme des mots, et entre les mots mêmes, dans une respiration, la présence éloquente de la nuit. Cette voix fut celle de Geneviève Casile

Auteur
Gérard Bouté
commissaire d’exposition

 

Référence
RA006-09
Ombre et Lumière
Journées d’Automne 2014
Catégories
art-thérapie, psychologie, cinéma, musique
Noms propres
Duchamp M., Hergé, Caravage M., Sadoul N.
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