Mano a mano: ombre et lumières dans le duende

Sol y sombra — la disposition spatio-temporelle dans les arènes exacerbe les jeux et oppositions entre ombre et lumière1. Fondée sur ce contraste primitif, ancestral, la corrida qui s’y déroule tire son pouvoir de fascination et son rythme de l’alternance de binômes multiples : nature/culture, vie/mort, masculin/féminin, instant/ éternité, ombre/lumière… Ces contrastes sont encore redoublés et diffractés par l’habit de lumière du torero et la robe, la plus souvent noire, du toro, la bestialité et la force de l’animal s’opposant au raffinement et à la technicité extrême du matador. À travers son oscillation entre horreur et sublime, la corrida instaure une dualité, une ambiguïté, un indécidable redessinant, dans l’espace singulier de l’arène, la bisexualité psychique. Ces notions et leur duplicité seront questionnées à travers quelques exemples de l’art espagnol comprenant la peinture, l’art tauromachique et le flamenco. Dans cette communication à deux voix, seront dépliés successivement, en mano a mano2, le temple3 et le duende, le premier décrivant une synchronisation, un accordage parfait entre les passes de cape du torero et les passages du toro qui, ensemble, créent une temporalité singulière, orphique. Celle-ci matérialise à la fois l’immédiateté en une sorte d’exacerbation de l’instant et sa dilatation, par l’expérience de la beauté, à l’infini. Le duende, quant à lui, décrit une des subversions possibles du sujet à travers l’expérience créatrice. Il s’agirait d’une disposition spécifique, proche de la transe, au cours de laquelle le génie, l’inspiration, prennent possession de l’artiste — qu’il soit peintre, torero, danseur, musicien, cantaor — pour lui permettre, sans effort apparent, d’atteindre le sublime (Lorca, 1930). Nous illustrerons le duende à travers plusieurs exemples de la peinture espagnole — notamment Goya et Picasso — pour visiter ensuite le mythe de Carmen dont le regard noir nous fera côtoyer l’ombre tant de l’ange que de la mort. Ces traversées de miroirs et passages du clair-obscur nous renseigneront-ils plus avant sur les processus psychiques impliqués dans la création ? L’acte psychothérapeutique et son efficace pourra-t-il se comprendre différemment à travers les prismes du temple et du duende ?

Auteur
Silke Schauder
professeure à l’université de Picardie,
psychologue clinicienne, art-thérapeute

Christophe Paradas
psychiatre, praticien hospitalier,
psychanalyste
Référence
RA006-12
Ombre et Lumière
Journées d’Automne 2014
Catégories
art-thérapie, psychologie, cinéma, musique
Noms propres
Duchamp M., Hergé, Caravage M., Sadoul N.
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