Ombre des aîtres de la lumière   

« …Laisse- moi devenir/L’ombre de ton ombre/L’ombre de ta main/L’ombre de ton chien/ Ne me quitte pas…»
J. Brel, 1972

Bormes-les-Ombres, site imaginaire — chacun y reconnaîtra le sien — où un coteau escarpé porte son ombre sur la mer illuminée. La beauté des corps, de la nature et des oeuvres qui les célèbrent, son pouvoir de toucher notre résonance intime sont accrus par les liaisons mouvantes, contrastées ou nuancées, inquiétantes ou apaisantes de l’ombre et de la lumière. Les cliniciens créateurs des tests projectifs les plus innovants (Rorschach, TAT, Szondi) ont utilisé la médiation de formes ombrées (taches, dessins, tableaux, photographies) pour approcher la Traversée des ombres (Jean-Bertrand Pontalis) de leurs patients hantés, abandonnés, affectés par elles, pas seulement sur un mode dysphorique. La psychologie projective, paradigme à notre avis des thérapies à médiation artistique, sera mise à contribution (particulièrement les nuances d’interprétation des réponses au Rorschach cotées en estompage et clair-obscur) dans notre consultation des jeux d’ombre et de lumière, à « m’aime » (Ne me quitte pas chantera Brel ) le corps « nu/un » de la femme en l’oeuvre de Nicolas de Staël (Études de nu, encres et fusains 1954-55, Antibes), Ernest Pignon Ernest (dessins et sérigraphies, Extases, Avignon,2008 ; Les Anges du voeu de Louis XIII, Montauban,2009, Louise Lane, Paris, 2013), Lucien Clergue ( photographies, Née de la vague, 1968 ; Nus zèbrés,1998). En paraphrasant P. Soulages, puis M. Yourcenar, je dirai que le travail psycho-clinique relève de l’« outre-ombre », une « oeuvre au gris », ce « Royaume intermédiaire » où les formations de l’inconscient (dont le paradigme est le rêve) inspirent la poésie et les contes condensés en chaque oeuvre, quel qu’en soit le medium, traversée par une lumière intérieure, psychique, celle qui éclaire nos rêves. À l’instar de Peter Pan celui qui parvient à recoudre à (en) lui son (ses) ombres, finit par en voir les couleurs. Jubilation !