L’étranger à l’œuvre dans le trauma : capture et suspension du temps

Depuis les propositions de Ferenczi (1932-1933) concernant la clinique du trauma psychique, les théorisations se sont multipliées — certes en raison des contextes socio et géo-politiques, mais plus fondamentalement, nous semble-t-il, en raison des difficultés à poursuivre les travaux cliniques de Ferenczi. À la suite des travaux de Freud, les concepts d’introjection et d’identification à l’agresseur que Ferenczi avait identifiés dans son article Confusion de langue entre enfants et adulte (1932) ont permis aux cliniciens de comprendre comment des événements externes, violents, agressifs, faisaient effraction dans le psychisme du sujet, permettaient, par l’effroi qu’ils suscitent, de loger, dans l’intériorité psychique du sujet agressé, une partie du psychisme de l’agresseur, et installait, comme conséquence pathologique à plus ou moins long terme, un clivage du Moi. Or les travaux actuels sur le traumatisme ont montré la prééminence, dans l’événement traumatisant, de la « confrontation du sujet avec la mort » (Barrois, 1998 ; Crocq 1999 ; Josse, 2007). Selon les classifications internationales, c’est l’étiologie commune de l’ESPT, quelle que soit la situation sociale ayant déclenché l’événement traumatique : « Il aurait suffit que… », disent les patients. Le traumatisme est donc un événement externe qui aurait pu ne pas avoir lieu. Ce que nous disent aussi les récits de patients, c’est la recherche d’un sens à l’événement : « Pourquoi moi ? ». Ce questionnement incessant, paradoxal, faisant effraction à l’intégrité de soi et à la continuité de soi dans le temps, nous proposons de le penser comme un questionnement de l’ordre de l’étrangeté — qu’on peut retrouver cliniquement dans les ruminations, les réitérations ou les cauchemars. Nous soutiendrons que le trauma se loge à cet endroit-là — une question relevant de l’étrangeté à soi-même, en montrant, cliniquement, comment une jeune femme — artiste-peintre —, a su trouver un nouveau sens à sa vie. En dépit de la résilience dont elle avait fait montre pendant de nombreuses années — en mettant au travail sa capacité à peindre intensément — la persistance des symptômes traumatiques (émoussement de la réactivité générale et troubles somatiques) a justifié et soutenu sa demande de psychothérapie.

Auteur
Catherine Marion-Lissajoux
psychologue clinicienne,
docteur en psychologie clinique et psychopathologie,
professeur contractuel à l’université Paris 8
Référence
RA009-04
L’Étranger
Journées d’Automne 2016
Catégories
art-thérapie, psychologie, cinéma, musique
Noms propres
Duchamp M., Hergé, Caravage M., Sadoul N.
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