Lucian Freud ou « l’étrangeté du corps »

L’histoire familiale de Lucian Freud, petit-fils de Freud, a été jalonnée de moments difficiles laissant des traces inscrites au plus profond de sa mémoire. Émigré volontaire avec sa famille, Lucian est un étranger dans son pays d’accueil où il sera naturalisé cinq ans plus tard. Lucian porte le prénom de sa mère, Lucie, au masculin. Dans ses tableaux Lucian Freud oscille entre la position féminine et la position masculine sans se définir vraiment. Ses oeuvres sont dérangeantes et ses modèles, immergés dans leur solitude, apparaissent exposés au regard de l’autre. Dans la dernière partie de sa vie, Lucian Freud peint des portraits qui nous interrogent par l’attrait qu’ils suscitent autant que par le malaise ressenti devant ce qui nous est donné à voir. Trois oeuvres ont retenu notre attention dans leur étrangeté, Evening in the studio (1993), l’Autoportrait, Painter Working, Reflection (1993) et Sunny Morning, Eight Legs (1997). Devant l’effondrement des chairs, les poses abandonnées dans le sommeil ou dans l’absence, le regard se détourne de ces corps exhibés sans pudeur et sans honte : « Je veux que la peinture fonctionne comme la chair. […] Je voudrais que mes portraits soient ceux des gens mais ne soient pas comme eux. Pas l’apparence du modèle mais le modèle. […] Pour moi le Tableau est la personne. Je veux qu’il fonctionne comme la chair1. » Pour Lucian Freud le corps est parlant autant que parlé. Nous commenterons à partir de ces oeuvres l’articulation du surgissement de l’angoisse et du délitement de l’image dont la touche fragmentée tisse le corps même de ces toiles dans leur « inquiétante étrangeté ».

Auteur
Berlende Lamblin
psychanalyste,
docteur en psychanalyse.
Référence
RA009-09
L’Étranger
Journées d’Automne 2016
Catégories
art-thérapie, psychologie, cinéma, musique
Noms propres
Duchamp M., Hergé, Caravage M., Sadoul N.
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