L’espace, cet étranger

L’espace n’est pas simplement l’étendue, selon une conception qui s’est affirmée à l’époque moderne et que Descartes a systématisée dans sa philosophie. L’espace a à voir avec une affectivité archaïque, renvoyant alors à une relation au monde qui échappe à la découpe des mots : il peut devenir source de menace, de mort et de disparition comme en témoigne l’agoraphobie, ou plus communément le malaise que procurent certains lieux ressentis comme inhospitaliers. Je partirai des travaux du théoricien américain Anthony Vidler qui s’appuie en particulier sur la conception de Freud de l’inquiétante étrangeté (das Unheimliche, « the uncanny ») afin d’aborder certaines modalités de l’espace architectural des maisons, des bâtiments et des villes. Je proposerai à partir de là quelques éléments de réflexion sur la peinture de De Chirico, au regard de l’espace architectural qui se déploie dans ses tableaux de l’époque surréaliste. Mais plus étonnante encore est la dernière partie de son oeuvre, longtemps tenue à l’écart, qui voit se multiplier les autoportraits, en manière de double étranger. Faut-il voir une relation entre les deux versants de cette oeuvre ?