T.E et D. H. Lawrence. Désirs des déserts et des Îles

Thomas Edward Lawrence (1883-1935) et son contemporain homonyme David Herbert Lawrence (1885-1930), nos (im)patients anglais, en dépit de leur île natale commune, de leurs trajectoires et de leurs oeuvres romanesques, ne se sont pas rencontrés. Je rêve aussi d’une autre rencontre de nos deux étrangers avec W.R.Bion, réformateur de la psychiatrie militaire et psychanalyste innovant, d’une décennie plus jeune qu’eux, lui aussi partagé entre nationalité anglaise, pays natal et pays d’adoption. Tous trois en butte à une imago maternelle envahissante et à une situation de famille tourmentée, par la médiation des humanités dans les universités anglaises, des grands voyages, des langues étrangères (dont le français) et surtout par leur créativité, purent traverser l’épreuve de la grande guerre, celle du rapport (organique, mécanique, érotique, mystique) à son propre corps (malade, traumatisé, menacé par la technique et les idéologies) et avec le corps de l’étranger(e). Autrement que par les voix de la psychanalyse, le héros auteur des Sept piliers de la sagesse et de La Matrice s’oppose à l’Éros du Serpent à plume et de L’amant de lady Chatterley. Le désir du premier passa par les déserts, celui de l’autre par les îles, pour les deux le prix en fut celui de l’exil volontaire, de la censure dans leur propre pays, de la reconnaissance tardive avant que l’idéalisation servie par les biographes et le cinéma ne risque de parachever ce qui à l’instar de ce que nous aimons doit pouvoir demeurer étranger. Cet oxymoron pourrait être la devise des passagers qui vont et viennent en divers ateliers quérir – où peut s’entendre guérir et chérir – l’étranger (personne, langue instance psychique ou site).