Ne vous retournez pas est l’un des sommets de l’art cinématographique sur la prémonition, la circularité du temps
et, avec elles, la catastrophe inéluctable. Adapté en 1973 par
Nicolas Roeg de la nouvelle éponyme de Daphné du Maurier,
le film Don’t look now contient — tout en traitant du surnaturel, du déjà vu, du traumatisme, du deuil et de la mort — la plus
belle scène d’amour jamais tournée au cinéma.
Si Roeg choisit de montrer en ouverture une tragédie personnelle d’une intensité rare — la petite fille de Laura et John
Baxter se noie accidentellement — le film atteint l’universel en
figurant la perte et les tentatives pathétiques d’une restauration
improbable. Celle-ci est métaphorisée par le métier de Baxter,
historien d’art et restaurateur, appelé à intervenir sur le chantier d’une église à Venise. Des visions et des rencontres étranges
ravivent chez le couple le souvenir de leur enfant disparue,
jusqu’au cataclysme final.
La vision subtilement inquiétante qu’offre Roeg de Venise,
ville de la perte et de la mélancolie par excellence, est doublée
d’une conception sophistiquée du temps et de la narration qui
évolue, telle une partition musicale en un faisceau de thèmes et
d’événements surdéterminés dont chacun devient la métaphore
de l’autre, l’ensemble étant enchâssé en une mise en abyme vertigineuse, le cœur du film étant la scène d’amour entre Laura
et John Baxter.
Dans notre communication, nous explorerons le génie de
Roeg à partir des interviews avec lui et, séparément, de ses acteurs, Donald Sutherland et Julie Cristie, qui s’expriment 40
quarante ans après sur le tournage. C’est dans le montage que
réside la magie de cette scène d’amour, entrecoupée savamment
par des scènes montrant les deux protagonistes seuls, se préparant pour un dîner en ville. Le sublime de l’expérience érotique
et le banal du quotidien — s’habiller, choisir une cravate, poser
du rouge à lèvres, lacer ses chaussures, se coiffer — sont articulés
par le montage en une continuité des plus subtiles ; continuité
qui soutient l’intimité de l’acte, porté ici intimement à l’écran.
Auteur |
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Silke Schauder présidente de la SFPE-AT, psychologue clinicienne, art-thérapeute, professeure de psychologie clinique et psychopathologique à l’UPJV, Amiens, laboratoire CRP-CPO (EA 7273) silke.schauder@orange.fr |
Référence |
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RA010-12 L’Intime Journées d’Automne 2017 |
Catégories |
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Cinéma |
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