L’art… la création… la quête de ce « nous » perdu… berceau de notre intimité

Expulsés, Adam et Ève couvrirent leur sexe de feuilles : ils
connaissaient enfin l’identification au corps. L’histoire du
monde commence là ! Avant, il n’y avait pas d’Histoire, il n’y
avait que l’Être, le Paradis. Il a fallu que l’âme se prenne pour
un corps afin qu’elle consentît à quitter le Paradis, à procréer,
à travailler.
Cet événement, nous le vivons tous les matins lorsque, chassés de notre sommeil bienheureux, nous nous approprions à
nouveau ce corps même malade, vieillissant ou problématique.
L’expulsion du Paradis, voilà notre lot journalier. L’identification au corps, voilà la racine de nos problèmes matériels et
psychologiques. C’est d’elle que le yogi, l’ascète, le mystique
tentent de se débarrasser afin de retrouver le Paradis.
S’étant approprié un corps, l’âme apprend à se servir de la
matière grise. Elle pense. Et ses pensées sont le serpent qui lui
chuchote à l’oreille les rouages de la tromperie, du profit, du
plaisir.
Selon la bible, Ève inaugura le mal en dévoilant à Adam la
manipulation de la pensée qui se sépara des lois naturelles et
s’appliqua à des fins personnelles.
Cette scission constitue le deuxième élément capital pour
l’évolution du monde, puisque tout le reste en découle, le
« mal » en particulier et bien sûr la culpabilité. La tentation
n’est rien d’autre que cette tendance de la pensée à se démarquer
de la réalité, des faits, des choses. C’est aussi le signe de notre
profonde humanité, de notre complexité humaine qui nous
invite à poser des choix, des actes. Si cette pensée s’amende
et parvient, grâce à l’art, à épouser les événements, à se subordonner aux faits, elle retrouve alors le chemin de l’union et du
salut. L’individu peut alors remonter vers l’être, soumettre sa
pensée aux rythmes naturels du cœur, du souffle, de l’univers,
se réapproprier une histoire, son histoire originelle, le berceau
de son intimité…