Le détail élégant, ouverture sur l’intime

Ľélégance, et sa manifestation concrète le détail élégant, permet souvent une ouverture sur l’intime. Lors de la rencontre d’Amalia, patiente dépressive engluée dans la répétition
d’épisodes douloureux d’allure déficitaires et masochistes, un
détail élégant de son maquillage corporel, contrastait avec son
discours et sa présentation psychique et a provoqué ma surprise,
un vacillement de mon écoute et une ouverture thérapeutique.
Amalia a 40 ans, une histoire d’hospitalisations itératives en
psychiatrie, un diagnostic psychiatrique confirmé et reconfirmé
au fil des séjours et années, une symptomatologie opaque de
signification, une médication lourde de réactions d’impuissance.
Elle consulte à mon cabinet privé, adressée par une collègue
de l’hôpital où elle vient de séjourner. La résistance au transfert se manifeste par le refus de parler de son histoire et, alors
que je me sens engluée dans mon écoute par son apathie, je
remarque ses ongles, étonnants, des ongles bleu turquoise vif,
soigneusement peints. Ils créent une faille dans cette logique de
la répétition, une créativité s’affirme dans l’habillement et le
corps au-delà de ce tableau déficitaire.
Un détail relève d’une œuvre, il n’est pas de détail naturel.
Signe à déchiffrer, il attire à lui les représentations. L’élégance
particulière, porte d’entrée des éléments de représentation dans
la cure, créera l’ouverture sur le paysage identificatoire et une
symbolisation non encore disponible. Au plus près de la créativité, elle rejoint le narcissisme positif. L’ai-je rejointe sur un
territoire où elle s’estimait narcissiquement ? Le détail a permis
l’échange sur la créativité source de plaisir, une ouverture thérapeutique et l’intuition de l’existence chez d’autres patients d’un
« double narcissique élégant » garant de la structure psychique y
compris dans les moments d’effondrement.

Auteur
Martine Vautherin-Estrade
psychiatre, psychanalyste,
membre titulaire de la SPP,
ancienne chef de clinique
à la CMME, (hôpital Sainte-Anne),
attachée à l’hôpital de la Salpêtrière
martine.estradevautherin@gmail.com
Référence
RA010-27
L’Intime
Journées d’Automne 2017
Catégories
Cas clinique
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