Le prix de l’intime pour l’art-thérapie

Historiquement, l’intimité de l’atelier d’art-thérapie venait
du dispositif des psychothérapies. À souffrance intime,
cadre intime, secret et fermeture.
Le prix à payer pour cette position, très compréhensible et
indispensable à certains stades de la prise en charge, et selon les
patients, a été la non-reconnaissance de l’art-thérapie. L’art brut
n’a pas hésité à violer cette intimité du monde asilaire, dénoncée
comme une oppression par Dubuffet, mais reconnue comme un
facteur et une chance de création originale par Thévoz.
Toujours est-il que cet espace à l’écart s’est lui-même
condamné à se replier sur lui-même, et a été contourné par les
Commissions Culturelles, dépassé par les art-thérapeutes non
psychothérapeutes.
De plus, les premiers objectifs thérapeutiques d’alors ont dû
s’élargir avec les mouvements sociothérapeutiques, et alors l’atelier s’ouvrir.
Ce n’est pas tant cette ouverture, finalement légitime, si
l’œuvre a ainsi une fonction de parole sociale aidant à l’autonomisation, qui pose problème aujourd’hui. Mais la façon de penser et de montrer le travail de l’intime dans les scénographies
de l’exposition (puisque tout art doit bien finir aux yeux d’un
public élargi pour mériter ce nom). Comme les psychanalystes
rédigent leurs cas de démonstration (avec consentement) dans
l’écriture. Comment l’œuvre ou l’écrit oscillent entre réalité et
fiction pour exprimer une vérité accessible de cet intime, du
plus profond de soi, tout en le respectant.
À l’heure de l’information, et de l’éducation thérapeutique,
de l’utilisation de l’expérience des pairs aidants, des groupes
d’entraide, la notion de révélation de l’intime évolue, pourvu
qu’elle ait valeur de parole, de communication sincère et authentique, profitable à l’autre. Ce doit être une des fonctions de
l’art de l’art-thérapie.
Ce qui n’annihile pas la discussion éthique, et pas seulement
du côté des soignants, à l’heure où les collectionneurs qui sont
les prédateurs de l’intime recherchent l’œuvre qui crée le choc
émotionnel, et où l’art contemporain exhibe l’intime en tant
qu’œuvre, comme Christian Boltanski, ou Sophie Calle.

Auteur
François Granier
président d’honneur de la SFPE-AT,
responsable DU-FC psychiatrie,
psychothérapies médiatisées, art-thérapie,
CHU Purpan, Toulouse
granierfrf@gmail.com
Référence
RA010-21
L’Intime
Journées d’Automne 2017
Catégories
Art-thérapie
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