L’écriture de mes intimes

Je suis écrivain : « écrivaine » Livre après livre, je construis, je
reconstruis, la vie de mes personnages. Ce sont parfois des
personnages réels : Jean, du Plancher de Jeannot, Unica
Zürn ou encore l’héroïne du Prénom a été Modifié, des personnages absolument fictifs dans des univers réels : Jeanne L’Étang
par exemple, ou des personnages inspirés par des faits réels:
les trois enfants saisies par des apparitions mystiques dans
L’Apparition.
Dans tous les cas, leur intime devient ma fiction et, dans le
même temps, ma réalité d’écrivain. Au contact de ma pratique
d’écriture, au contact de mon intime, je me lie à eux. La bio-
graphie des personnages que je choisis d’écrire, avec lesquels je
« décide » de passer des mois, voire des années, se tisse à ma vie.
À ce que j’en sais, et ce que j’en ignore.
Dans l’exploration de leur intime, dans l’espace de la page,
dans le choix de ma langue, je trace et délimite notre territoire
commun.
Mes outils sont la langue, les recherches documentaires et la
mise en page. Le cadre de la page est le cadre dans lequel j’organise ces vies. Et la mienne.
Choisir d’écrire en prose ou en poésie me permet d’éclairer
la part obscure de mes héros, d’approcher inconsciemment la
mienne. Les recherches documentaires, tout en m’assurant de la
précision de ma pensée, sont aussi un garde-fou essentiel à ma
pratique : par elles, je garde le contrôle.
Je fréquente l’intime des autres, précisément de ces autres-là,
parce qu’il rejoint mon intime. Notre intime commun.