L’intime dans le secret du « faire-peau »

Une enfant, une petite môme venue d’ailleurs, chargée d’un
vécu dont nous ne connaissons presque rien, se raidit dans
le silence. Elle sait parler mais refuse de dire mot. Ses yeux et sa
bouche grands ouverts hurlent le cri d’une chair meurtrie qui
ne supporte plus rien. Petite môme est une chair à vif. Il lui
manque une peau, celle même qui protège l’intime de son être.
Petite môme n’est pas sans rappeler le graveur défiguré par
l’acide de l’eau-forte du roman de Pascal Quignard. Meaume de
son nom, pour oublier l’acte malveillant qu’il a subi mais aussi
son amour perdu, sillonna les terres de Flandres jusqu’à Rome,
faisant ainsi écho à une autre façon de graver : la manière noire.
En effet, la manière noire est une technique de gravure. Labo-
rieuse, exigeante, elle s’avère être une inlassable répétition du
geste qui au lieu de creuser rapidement la plaque de cuivre vient
lui granuler une épaisseur où se lovera l’image. La manière
noire est un « faire-peau » qui transforme toute chair en support
d’image.
Appliqué dans un cadre art-thérapeutique, ce lent processus
répétitif, principe de la manière noire, permettra alors à petite
môme de se reconstruire comme sujet, en révélant son intime
dans le secret d’une peau reconstituée.