Giacometti ou « l’invisible du goût »

Si j’avais un conseil à donner à un jeune peintre, je lui dirais de commencer par copier une pomme1 ». En effet, Giacometti peint sa première Nature morte aux pommes en 1915, il a 14 ans. Son oeuvre sera émaillée de tableaux et crayons peints autour de ce motif. Nature morte avec une pomme 1937, Natures mortes aux pommes 1960, Femme debout, crayon de 1949 d’après l’Êve de Dürer, qui tient une pomme dans la main gauche, la main levée. Cette pomme à peine esquissée va nous interroger. La pomme, fruit originel de l’entrée du sujet dans la parole, fruit tentateur, pomme d’or du jardin des Hespérides, évoque le goût, sens lié à l’odorat et au toucher. La grisaille des oeuvres peintes de Giacometti à partir de 1933, année de la mort prématurée de son père suivie de celle de sa soeur quelques années plus tard ne se départira plus de ses créations ultérieures. Sa sculpture L’objet invisible de 1934, dans laquelle Giacometti soustrait « un élément qui n’est nullement dérobé à la conscience du sujet2 », va faire sens par cette élision. La monochromie de ses tableaux, la rigidité de ses personnages, la fixité de leurs regards, l’espace architectural à peine habité par des formes fantomatiques, nous orientent vers une coupure et une mise à l’écart de l’objet premier dans une invisibilité du goût, rejet du sein maternel.

Auteur
Berlende Lamblin
psychanalyste
docteur en psychanalyse
Référence
RA011-27
Le Goût
Journées de Printemps 2018
Catégories
art-thérapie, psychologie, cinéma, musique
Noms propres
Duchamp M., Hergé, Caravage M., Sadoul N.
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