Le « goût » nous renvoie aux conditions historiques de son émergence (l’émancipation de l’art envers l’Eglise et son accès à un public large et cultivé) et à lui conférer un statut philosophique sous forme d’une nouvelle discipline : l’esthétique. Cette dernière s’articule autour de deux sommets critiques : celui qui s’inscrit dans la Critique du Jugement Esthétique de Kant (1790), libérant ce jugement de la double tutelle de la science et de la morale pour le fonder sur la seule « contemplation désintéressée » ; la pensée de Nietzsche marque le second sommet critique (vers 1880), contestant violemment l’hypothèse d’un « désintérêt » et désignant ainsi l’instinct comme l’impensé de l’esthétique philosophique. C’était, en même temps, annoncer la ruine d’une « pensée du goût ». L’art se voyait libéré de l’idéal du Beau ; l’expression se fondait désormais sur la seule pulsion. Celle-ci peut ainsi donner libre cours à ses formes négatives, jusqu’à l’aphasie (Hofmannsthal, 1902) ou la nausée (Sartre, 1938), auxquelles de nombreux artistes récents donnent une traduction visuelle (F. Bacon, J. Rustin). Schiller (Éducation Esthétique, 1795), qui ne fut guère entendu, ne nous invitait-il pas, plutôt qu’à juger, à jouer de nos pulsions ?
Auteur |
---|
Georges Bloess professeur émérite d’esthétique, université de Paris 8 |
Référence |
---|
RA011-09 Le Goût Journées de Printemps 2018 |
Catégories |
---|
art-thérapie, psychologie, cinéma, musique |
Noms propres |
---|
Duchamp M., Hergé, Caravage M., Sadoul N. |
Lire l’article complet |
---|
S’abonner Se connecter |