Le goût pour les épices au moyen âge pourrait s’expliquer par l’imaginaire qui entoure ces précieuses substances venues d’un Orient édénique, lieu de chaleur et de lumière, ailleurs fabuleux d’où procèdent tout pouvoir et tout sacré : vers lui se tournent les rêves de rédemption de l’homme médiéval en occident, hanté par la conscience de sa mortalité, de sa nature déchue, laide et misérable. Nourritures quasi surnaturelles, à la fois mystiques et sensuelles, les épices vivifient, transfigurent la pauvre corporéité humaine, président à l’exaltation heureuse de l’esprit et des sens : promesses d’opulence, de jouissance et d’immortalité — avant-goût de paradis. Mais voilà que dans la France du XVIIe, les épices du Levant deviennent des poisons. Les plats épicés des étrangers sont maintenant immangeables ! Une cuisine qui, désormais, se déclare française, abandonne la plupart des épices orientales, et mesure drastiquement l’usage de celles qu’elle conserve. Corollaire : le goût du produit frais, et consommé « au naturel ». Cette révolution du goût, exception française, suppose l’existence d’un imaginaire nouveau, très françois, qui se développe sous l’influence du pouvoir royal : le paradis, vraiment terrestre cette fois, c’est le Jardin de France, le Royaume pacifié, agrandi, policé, fertilisé par son monarque. Jardin verdoyant, frais, dans lequel la nature, cultivée et perfectionnée par l’homme, ne laisserait à ce dernier, semble-til, plus rien à désirer…qu’elle-même.
Auteur |
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Marie-Pierre Burtin agrégée de lettres classiques, romancière |
Référence |
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RA011-04 Le Goût Journées de Printemps 2018 |
Catégories |
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art-thérapie, psychologie, cinéma, musique |
Noms propres |
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Duchamp M., Hergé, Caravage M., Sadoul N. |
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