La traversée de l’impossible

L’imprévu, le « possible », est pour le psychotique la plus dure des catégories (Henri Maldiney). La traversée peut désigner le passage qui va de « l’impossible » jusqu’à la restauration d’une capacité de transcendance face aux événements de l’existence. Pendant de longs mois une patiente m’apporta en prétexte de chaque séance une série de dessins géométriques et tous identiques. Cette monotonie fut commentée et appréciée comme la figuration d’un monde « impossible », limité au prévisible. Le « dessein » d’une telle exiguïté existentielle va inquiéter notre patiente qui mettra brusquement fin à cette production d’« autographes » monotones. Dans un mouvement de rupture, elle va se consacrer régulièrement au jeu de la roulette. Ce jeu va lui permettre de côtoyer le « possible », d’en faire l’épreuve selon des modalités bénignes, supportables. Du surgissement de l’imprévu, elle pourra désormais jouir, comme d’un séisme, à la fois attractif et attendu. Quand la régularité des pertes la conduira à une interdiction de jeu, je vais lui suggérer de reprendre le cours de ses productions plastiques. Ce qu’elle fera en pratiquant selon une technique donnant une large part au hasard. Les effets de l’activité créative furent rapides et spectaculaires. Issue du processus créatif, la part imprévue arrivait qui la dépassait et lui appartenait tout à la fois. S’approprier ce qui nous dépasse revient à transcender l’imprévu de la rencontre, à exister sans effroi. 

Auteur
Alain Gillis
psychiatre, pédopsychiatre
alaingillis@gmail.com
Référence
RA012-20
Traversées
Journées d’Automne 2018
Catégories
Phénoménologie
Peinture
Cas clinique
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