La traversée du vide :l’art-thérapie comme un pont

Un patient — dans un atelier d’art-thérapie temporairement hébergé presque dans le ciel, au-dessus d’une gare — exprime une découverte. Il s’est aperçu, avec cette « délocalisation » transitoire, que jusque-là, tout au long de sa vie et ayant souvent eu à prendre le train, il avait toujours vécu ces voyages en dehors de toute durée : il partait du point A en pensant déjà à son arrivée au point B sans jamais accorder une once d’attention au laps de temps et d’espace séparant ces deux points. En atelier d’art-thérapie, voici qu’il en prend conscience, avec surprise et regret, car ces morceaux de vie lui semblent perdus puisque non-vécus. C’est comme un blanc perçu comme un vide dans l’espace d’une peinture qui pour lui se doit d’être entièrement remplie de couleurs. L’abord par l’art-thérapie permet une évolution. La maladie d’Alzheimer cause des blancs — ou plutôt des trous noirs où se perd la vie pourtant encore là. Du noir au blanc et vice-versa, en passant par les gris intermédiaires, les couleurs vives, les formes, les gestes, une trajectoire vivifiante permet de traverser le précipice. Aider une vieille dame à traverser la rue ? Aider une personne à dépasser un blanc, un vide, s’aider soi-même aussi — l’atelier d’art-thérapie offre un espace-temps où l’on peut traverser le gué, bâtir un pont au-dessus d’un précipice, relier les deux bords d’un fleuve, naviguer avec l’imaginaire pour traverser un tumulte sans fin et l’apaiser ne serait-ce qu’un peu…

Auteur
Irina Katz-Mazilu
artiste plasticienne, art-thérapeute, formatrice, superviseuse 
Référence
RA012-19
Traversées
Journées d’Automne 2018
Catégories
Art-thérapie
Peinture
Cas clinique
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