Rien ne prédestinait Montaigne à l’écriture avant la mort de son ami La Boétie en 1563. Quelques années plus tard, Montaigne, en proie à une humeur mélancolique, se retire dans sa bibliothèque pour se consacrer à l’écriture des Essais. Entré en écriture pour célébrer la mémoire de l’ami disparu, Montaigne se cherche au lieu de l’autre. Il écrit les Essais pour se décrire car l’enjeu premier n’est pas le savoir : c’est la présence à soi, une présence qui est celle de l’autre en soi, de cet autre inconnu de soi avec lequel Montaigne va dialoguer dans l’écriture. Dans ce mouvement de repli sur soi, Montaigne découvre un moi instable, insaisissable qui ne peut se concevoir de façon isolée car il est toujours en réaction avec un autre, toujours en mouvement. La nouveauté de l’écriture de soi, chez Montaigne, réside dans la description minutieuse de sa singularité, dans son attention à la variété et à la fluidité des états intérieurs, ce qui nous permet de comprendre le sens du moi comme « passage » dans sa célèbre phrase : « je ne peins pas l’être, je peins le passage ». À quatre siècles d’intervalle, le moi peint par Montaigne apparaît comme le précurseur « baroque » du moi décrit par Freud dans la seconde topique. Ce moi inassignable, défini par Freud comme une instance active, serait-il ce lieu de traversée, de passage, dont se réclame Montaigne lorsqu’il s’essaie à se peindre ?
Auteur |
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Suzanne Ferrières-Pestureau Psychologue clinicienne, docteure en psychanalyse, université Denis-Diderot-Paris-VII, chercheuse associée, université Denis-Diderot-Paris-VII, création et psychanalyse (Pandora) sufer@club-internet.fr |
Référence |
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RA012-16 Traversées Journées d’Automne 2018 |
Catégories |
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Psychanalyse Écriture |
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