Persée et la gorgone, la violence à l’œuvre

La violence est-elle le propre du chef-d’œuvre? Elle se voit portée à son comble dans le groupe Persée et la Gorgone de Camille Claudel. Dans L’Âge mûr l’artiste avait déjà tendu au monde

un miroir de sa rupture dévastatrice avec Rodin. Là, ce miroir est devenu plus déformant, plus terrible encore. Nous verrons comment s’y superposent la violence à l’œuvre et la violence de l’œuvre, puis la violence faite à l’œuvre et la violence d’exister.

En s’appuyant sur un mythe capable de lui fournir une mise en forme de son drame intime, Camille Claudel prête ici ses propres traits à la Gorgone décapitée par Persée, « celui qui tue sans regarder». Rien n’est plus terrible que cette tête tranchée qui, effrayée, prend conscience dans le reflet du miroir et de sa folie et de sa mort. C’est toute l’horreur d’un être – violentée et violentant – qui bascule dans le néant.

Pour faire « un sacrifice humain » –  ce sont ses propres mots – Camille Claudel a détruit le plâtre de cette œuvre dont nous possédons seulement une photographie la montrant elle, face à sa création plus grande que nature. L’artiste toise férocement sa sculpture comme pour apprécier si elle lui est supérieure en puissance destructrice. Cette photographie annonce tristement sa déchéance finale. La destruction de l’œuvre est-elle un équivalent suicidaire, s’attaquant à la part la plus vivante en elle, à savoir sa création ? Ou pire, retire-t-elle à l’œuvre sa charge essentielle – celle de nourrir le fantasme d’immortalité de son créateur ?

Auteur
Silke Schauder
professeur de psychologie clinique à l’UPJV, CRP CPO 7273, psychologue clinicienne, art-thérapeute, présidente de la SFPE-AT
 
Référence
RA014-13
Violences
Journées d’Automne 2019
Catégories
art-thérapie, psychologie, cinéma, musique
Noms propres
Duchamp M., Hergé, Caravage M., Sadoul N.
Lire l’article complet
S’abonner
Se connecter