L’inquiétante étrangeté du silence dans la peinture d’HammershØi

Le silence qui émane des toiles d’Hammershøi plonge le spectateur dans un sentiment de trouble qui le renvoie à une part inconnue de lui-même à laquelle il n’a pas accès. Silence d’avant la parole ou silence en quête de parole, on ne peut trancher tant ces toiles sont porteuses d’un mystère. Mystère d’une intériorité secrète, d’une présence originaire à soi qui ressortit au registre de l’être dont la lumière dans les toiles du peintre manifeste la vacuité en toute clarté. Vacuité redoublée par les enfilades de pièces vides, ouvertes sur les couloirs qui ne mènent nulle part. L’incommunicabilité qui règne entre les personnages assis autour d’une table est du même ordre que celle que l’on perçoit chez ces femmes vêtues de noir, tournant le dos au spectateur, absorbées dans leur rêverie, leur ouvrage ou leur lecture. Tous semblent entretenir une relation secrète avec eux-mêmes dans une solitude qui apparaît comme un état au plus proche d’une expérience d’être dont les quelques nus peints par l’artiste dévoilent l’extrême dénuement et l’absence de tout érotisme. La volonté de solitude des personnages trouve dans la « poésie muette » des toiles d’Hammershøi un moyen d’expression qui renvoie le spectateur à un vécu originel de présence d’une absence. Dans cet espace déserté s’avance la figure du double et son inquiétante étrangeté. Tout l’art du peintre réside dans sa capacité à nous faire revivre, dans le silence de ses toiles, l’expérience du manque comme point de départ de la vie fantasmatique et de la création.

Auteur
Suzanne Ferrières-Pestureau
docteur en psychanalyse,
DESS de psychologue clinicienne
Référence
RA015-10
Silence
Journées d’Automne 2020
Catégories
art-thérapie, psychologie, cinéma, musique
Noms propres
Duchamp M., Hergé, Caravage M., Sadoul N.
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