Pascal Quignard : la quête silencieuse des matins sans retour

Au nombre des oeuvres qui depuis 1950 s’inscrivent sous le signe du silence, par leurs thématiques, leur écriture « taiseuse », ou leur contestation du langage, celle de Pascal Quignard, qui échappe aux classifications génériques ordinaires, s’écrit dans la suspension des mots, au seuil de la parole. Son oeuvre se crée tout entière sous le signe paradoxal du silence et du désir de se taire, comme l’indiquent certains essais (Le nom sur le bout de la langue), ou chapitres des Petits traités (« Taciturio », « La gorge égorgée »). Dans ses romans (Villa Amalia, Tous les matins du monde), dans les dix volumes de Dernier Royaume, écrits dans sa retraite des bords de l’Yonne, il n’a de cesse de répéter son « voeu de silence ». Comment une oeuvre aussi abondante peut-elle se construire dans l’exploration des limites du langage ? Le point de départ, le lieu inatteignable, le « perdu » qui hante l’écriture de Quignard est le premier royaume, celui de l’infans, de l’être antérieur à l’ordre du discours, le premier matin du monde, le « primum tempus ». Comment retrouver cet en deçà du langage et comment le dire, si ce n’est par les vides et les silences creusés dans la page ? L’écriture exigeante de Quignard s’appuie sur une esthétique du fragment qui convoque entre ses lignes les ombres errantes, les bruissements de l’avant, les royaumes oubliés. Par là-même, l’écrivain redéfinit une posture de lecture, faisant du livre un morceau de silence entre les mains d’un lecteur qui entre dans La barque silencieuse où il peut rêver le temps qui coule, l’eau qui fuit et peut-être même le lieu de l’origine.

Auteur
Sylvie Cassayre
docteur ès lettres
Référence
RA015-04
Silence
Journées d’Automne 2020
Catégories
art-thérapie, psychologie, cinéma, musique
Noms propres
Duchamp M., Hergé, Caravage M., Sadoul N.
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