Silences choisis, silences imposés

Quel soulagement quand un bruit insupportable s’arrête. Le silence qui suit libère un grand ouf de satisfaction. Il est délicieux ce silence quand il suffit d’appuyer sur un bouton pour faire taire les nuisances. Mais le monde et le bruit ne se réduisent pas à une radio. La nécessité du faire taire du mélomane excédé par une mauvaise musique, peut se transposer à une autre échelle, celle de la famille où le secret des non-dits qui traînent depuis des générations asservissent tout le monde au silence complice des maltraitances. Le silence est comme le vent, dit Elsa Triolet, il attise les grands malentendus. Il les amplifie dans une répétition de la souffrance et du malheur. Les malheurs de la vie enseignent l’art du silence affirme Sénèque. Au niveau politique le taire et le faire taire deviennent un art de gouverner. Le silence imposé est celui de la peur et de la soumission. Nécessaire pour le Prince, Machiavel en fait un outil au service du pouvoir. L’intérêt supérieur de l’État l’exige. Une autre exigence, plus transcendantale, fait aussi appel au silence, c’est la prière et le temps du dialogue avec Dieu. Toutes les religions, en tout temps et en tout lieu, ont prôné le silence comme condition à cette rencontre avec le divin. Temps de silence monastique, de prière, d’oraison, de méditation, de recueillement, d’introspection, de contemplation, d’extase, il est pour les croyants la source de ce retour sur soi et sur Dieu. Plus inquiétant est le silence des morts, celui que les spirites avec Victor Hugo et Huysmans tentent de faire reparler. Le silence est enfin le temps solitaire de la réflexion, de la pensée, de l’introspection, de la recherche, de l’imaginaire et du symbolique. C’est dans le silence de soi que l’être profond se trouve et qu’une vérité peut apparaître. « Je suis plein du silence assourdissant d’aimer » (Louis Aragon).