Vermeer : le silence à l’œuvre

C’est la nature morte qui est attachée traditionnellement à l’évocation du silence. Objets divers, fruits, légumes et autres victuailles en constituent le sujet : choses inanimées, objets « morts » donc. D’où la désignation du genre : nature « morte » — la bien mal nommée en français. L’expression Still life, équivalente en anglais, dont le sens peut s’interpréter comme « vie silencieuse », paraît beaucoup plus évocatrice d’un monde dont la vie est ailleurs que dans la figuration du vivant. Mais comment, et par quel mystère, une peinture qui n’appartient pas à ce genre, peut-elle évoquer le silence ? Une oeuvre, dans son corps même, et au-delà du sujet représenté, peut être bruyante ou silencieuse. N’évoquet- on pas certains tableaux en regrettant leurs « couleurs criardes » pour en désigner les harmonies défaillantes ? L’oeil écoute, en effet, écrit Paul Claudel pour désigner des particularités du monde audible suggéré dans la peinture. Dans l’histoire de l’art, il existe peu d’oeuvres capables d’exprimer les moments figurés du quotidien comme expression du silence. Élie Faure dit de Vermeer qu’« il a peint jusqu’au silence rayonnant qui émane des choses amies […] » Vermeer magnifie le silence ; il en dévoile l’équivalence poétique. C’est un monde de rêverie silencieuse qu’il rend visible et c’est à la contemplation muette qu’il s’adresse. Les valeurs les plus discrètes de la lumière et de l’ombre semblent ainsi, par leur lente progression, plonger les sujets dans un monde silencieux. Et c’est la lumière qui, dans l’oeuvre, en décline la sérénité. Ici, par les fenêtres, un rai de clarté lentement se répand ; là, il se dégrade de son apogée à son déclin dans l’ombre qu’il transfigure pour la rendre transparente. Tout dans la peinture de Vermeer est hommage au silence. Rien n’y bouge, ou très peu, rien ne s’y fait entendre. Temps suspendu, immobilité sans clameur, des objets aux personnes, des miroirs aux sols d’une cour sans timbre et sans écho. Un parcours d’images évoquera ce monde dont la vie silencieuse appelle la méditation intérieure et la contemplation esthétique — comme hors du temps.

Auteur
Gérard Bouté
commissaire d’exposition,
ancien directeur d’école d’art,
vice-président de la SFPE-AT
Référence
RA015-22
Silence
Journées d’Automne 2020
Catégories
art-thérapie, psychologie, cinéma, musique
Noms propres
Duchamp M., Hergé, Caravage M., Sadoul N.
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