La blanche cavale

« Délirants, certes, ils le sont. Mais n’ont-ils pas leur méthode ? »
Shakespeare. Hamlet

La blanche cavale : deux mots piégés dans le coin d’une feuille à l’intérieur de l’un des carnets d’Aloïse. Deux mots qui ont donné son titre à ce carnet daté de 1942. Elle est alors hospitalisée depuis 1920 au « couvent », puisque c’est ainsi qu’elle nommait la clinique de La Rosière où elle restera jusqu’à sa mort en 1964.` Deux mots qui donnent un coup d’arrêt à l’emballement imaginaire où son déluge de couleurs et de représentations plonge le spectateur. Magicienne du paradoxe, Aloïse, par ce brusque changement de registre, nous oblige aussi à changer de regard. De quelle blancheur parle-t-elle au milieu de cette effervescence colorée ? Dit-elle ainsi que sa cavale a trouvé refuge dans le blanc du papier ? Échappée alors inscrite dans une clôture, celle des pages comme celle du couvent. Autre paradoxe. Du lieu de son renoncement, là où se passe sa vie arrêtée, elle nous contraint à renoncer nous aussi. Entrés dans ce carnet d’Aloïse comme dans un labyrinthe sans issue, il nous faut suivre la recommandation de Jacqueline Porret-Forel de « couper les amarres de la raison et se laisser porter comme le bateau ivre ». Délaissant nos repères inutiles, la linéarité du temps et de l’espace ou l’avènement d’une signification, ivres jusqu’au vertige, nous voici errant à notre tour en sa forêt de signes… Mais bientôt, en suivant son parcours sans fin, une logique se fait jour.

Auteur
Béatrice Chemama-Steiner
Psychiatre, psychanalyste
beatricesteiner@mac.com
Référence
RA016-05
Errances
Journées de Printemps 2021
Catégories
art-thérapie, psychologie, cinéma, musique
Noms propres
Duchamp M., Hergé, Caravage M., Sadoul N.
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