« Là où je ne suis pas »

Errance, déplier ce mot. Un espace ? Un mouvement ? Une quête ? Lorsque Depardon accepte un travail sur l’errance, il se demande comment la photographier, comment lui donner des traces, un corps, une durée. Il s’appuie sur un texte d’Alexandre Laumonier : « L’errance (…) est d’ordinaire associée au mouvement, (…) à l’idée d’égarement, à la perte de soi-même. Pourtant le problème principal de l’errance n’est rien d’autre que celui du lieu acceptable. » Ainsi le laisserait penser Bruce Chatwin pour qui la maison n’est que « l’endroit où se débarrasser de son chapeau ». L’errance se résumerait-elle à ce que Baudelaire appelle « La grande maladie de l’horreur du domicile » ? L’errance, une affaire de lieu seulement ? L’errant quitte un lieu et un passé. Espace et temps de l’errance sont liés. Inextricablement. Dans l’espace intermédiaire de l’errance, entre dedans et dehors, entre intériorité et extériorité, la temporalité devient flottante. L’errant « s’interroge sur le passé en même temps qu’il réfléchit sur son futur proche » La question « Où aller ? » devient « Qu’est-ce que je fais là ? » (Laumonier) L’errance s’infiltre dans les failles du sujet et offre alors la possibilité de s’engager dans une quête initiatique dont l’issue n’est jamais certaine. Ses territoires côtoient ceux de la mélancolie. Trouble du récit. La quête supposerait-elle nécessairement une part d’errance ? L’errance, une métaphore de la quête ? La quête de l’ailleurs, « là où je ne suis pas » (Baudelaire), expose l’esprit au non connu, favorisant l’émergence de la création. Elle révèle un certain rapport au monde, à l’Autre et à soi. « Être ou ne pas être : telle n’est pas la question sur laquelle je me casse les dents », écrit Michel Leiris. « Être ici ou ne pas être là, être ici ou être ailleurs : telle serait plutôt l’interrogation brûlante, pour ce qui me concerne. » L’errance, une expérience qui fait et défait l’être ? Ailleurs, une page blanche où se rêver autrement ? Autre ? Pessoa et sa singulière énigme, Breton qui cherche « l’or du temps », Jack Kerouac et les clochards célestes de la Beat Generation, quelques autres encore d’autres temps et d’autres lieux, sont convoqués pour interroger ensemble les territoires et les dé-territoires de l’errance. 

Auteur
Marie Sicard
psychologue clinicienne osmirn@hotmail.com
Djamila Salah
Dramaturge, metteur en scène
Référence
RA016-03
Errances
Journées de Printemps 2021
Catégories
art-thérapie, psychologie, cinéma, musique
Noms propres
Duchamp M., Hergé, Caravage M., Sadoul N.
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