L’azur par la fenêtre ou l’amour d’ailleurs

E périculoso sporgesi.

Pour expliquer la forme de déprise qui sied au travail d’association libre, Freud renvoyait à la position du voyageur dans un train (se) racontant ce qui défilait par la fenêtre : visions de réalités et de rêveries, de mises en abyme et en miroir. Cette (dis) position vaut pour le sujet contemplant une oeuvre d’art ; « être là » attaché aux objets de son « amour d’ici », mais par la fenêtre porter son regard vers « l’amour d’ailleurs », amour de transfert s’il en est, mais aussi matrice du désir et motif d’inspiration. Les dispositifs de psychothérapie médiatisée sont autant de fenêtres ouvertes à la dynamique des désirs entre fermeté d’un cadre et mobilité des formations signifiantes. Libérer les formants d’une fenêtre comme toutes celles du corps, c’est s’exposer comme la jeune fille à la fenêtre ou comme l’amant qui ne se résout pas à l’embrasement sans embrassement et attend le moment propice (kairos) de l’escalade. Au risque de s’abîmer dans le vide pour ne pas mourir confinés, les artistes créent des fenêtres et soignent les cadres comme des ponctuations qui protègent les intervalles de respiration. Par les fenêtres de Matisse, nous nous inviterons dans la pathétique cohabitation de l’amour d’ici et de l’amour d’ailleurs, depuis Collioure où il devint « fauve » jusqu’à la Côte d’Azur où il trouva par la grâce juvénile de sa dernière muse la voie des nu(e)s bleues. Mais il est un outre-bleu qui nous aspire comme la « relation d’inconnu » et le « sentiment océanique » nous captivent : l’Azur numineux de l’Ailleurs absolu, ultime destination de l’Ouvert sans fin.

Auteur
Jean-Pierre Martineau
professeur honoraire de psychologie clinique et de psychopathologie, université Paul-Valéry, Montpellier 
jean-pierre.martineau0152@orange.fr
Référence
RA017-14
Fenêtres
Journées d’Automne 2021
Catégories
art-thérapie, psychologie, cinéma, musique
Noms propres
Duchamp M., Hergé, Caravage M., Sadoul N.
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