« {…} Ne vois-tu rien venir ? » intrusions incestueuses et effraction du soi corporel

De la fenêtre du troisième étage de son pavillon, L., 25 ans, scrute anxieusement chaque soir ce qu’elle craint « voir venir » : rôdeur forçant la grille verrouillée, intrus caché dans le jardin… Du conte de Ch. Perrault, on retiendra l’emprise masculine destructrice de Barbe Bleue.

La maison de L., sans autres résidents (parents décédés) et quasi sans mobilier, suggère un intérieur habité par l’absence et la tristesse, tel l’art de HammershØi1 peignant une enfilade de pièces vides avec ses clartés tamisées et ses zones d’ombre occupées par une femme solitaire qui se tient auprès d’une fenêtre où se devine un extérieur incertain.

De la réalité de la scène à la fenêtre avec L. à la métaphore, les limites dedans-dehors sont aussi celles — rompues — de son corps d’enfant ne voyant pas venir des assauts incestueux répétés, dans le silence familial. Au point pour L. de nier l’espace intime ouvert, translaté inconsciemment au niveau de ses pieds incroyablement protégés et invisibles ; au point de réagir violemment devant l’impudeur d’orteils s’exhibant hors les godillots de Magritte2.

La thérapie, incitant àreconsidérer la densité du dedans de soi, a cherché ce qui semblait perdu ; a cheminé vers la réanimation d’un corps charnel identitaire, sensible et fermé, aux images mentales affectées (plus) supportables et résilientes ; a avancé vers l’altérité.

Auteur
Jocelyne Vaysse
Neuropsychiatre
jocelynevaysse@orange.fr 
Référence
RA017-23
Fenêtres
Journées d’Automne 2021
Catégories
art-thérapie, psychologie, cinéma, musique
Noms propres
Duchamp M., Hergé, Caravage M., Sadoul N.
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