Le réel, c’est ce qu’on n’attendait pas…

La formule du philosophe Henri Maldiney, penseur de l’homme et de la folie, penseur de l’art, du langage et de l’art-thérapie, est maintenant assez connue… Elle est capitale pour une nouvelle approche de la psychopathologie et de l’esthétique. Lacan, lui, écrit que « le réel, c’est l’impossible », insistant sur le caractère informalisable du réel, sur son hétérogénéité, sur son caractère de déchet, de rebut. Cela étant, nous nous limiterons au choc qu’est la surprise d’exister, propre à l’analyse existentielle et phénoménologique.

Le réel, c’est ce qu’on n’attendait pas ; sitôt arrivé, depuis toujours déjà là. La rencontre, avec sa part fondamentale de surprise, est en toute situation humaine le moment de réalité. L’existence est la confrontation à l’« inanticipable » : ce qui est décisif arrive furtivement. Le réel vient des marges ; on ne le prend jamais en flagrant délit dans un éclairage sans ombre.

Une voie de compréhension de ce qu’est l’émotion est ouverte : une capacité affective à accueillir l’événement, c’est-à-dire ce qui arrive tout à coup et fait voir le monde autrement. L’émotion marque notre confrontation à l’inattendu, à l’inanticipable. L’événement, cette rencontre soudaine, n’a pas lieu dans le monde clos et figé du psychotique.

Par ailleurs, un artiste qui n’est pas étonné devant son œuvre n’est pas un artiste. Il ne peut y avoir ici d’intentionnalité : si un artiste sait au départ ce qui est à faire, il n’a aucune raison d’y aller. En face d’œuvres d’art, toutes les prises se dérobent dans leur surprise. Dans le domaine du soin, l’art peut favoriser chez le malade ce choc qu’est la surprise d’exister.