L’inattendu comme cause finale

« […] l’homme engendre l’homme, et le soleil aussi. »
(Aristote, Physique, livre II.)

Les jeunes adultes accueillis au CAVT (centre d’adaptation à la vie et au travail), un établissement médico-social qui a pour objectif l’insertion en milieu professionnel, sont porteurs de handicap et présentent une légère déficience intellectuelle. Un jour, ils apprennent le départ d’une éducatrice qui les a accompagnés pendant des années, ce qui les plonge dans une véritable détresse.

Lorsque j’accueille en groupe de parole les jeunes les plus touchés par cette annonce, je découvre leur désir de modifier un poème déjà existant afin de pouvoir l’adresser à leur éducatrice. En entendant les modifications suggérées, je leur propose plutôt de créer leur propre poème. La règle est simple : « Dites-moi ce qui vous traverse l’esprit, que ce soit un mot, une pensée, une phrase ou une image. J’en prendrai note sur cette feuille blanche. » Les six jeunes me regardent d’un air perplexe, disant n’avoir jamais eu l’occasion d’écrire de la poésie et doutant de leur capacité à mener à bien un tel processus créatif. Or, petit à petit, leurs affects se transforment en mots et en vers. C’est ainsi qu’un groupe de parole devient un atelier de poésie.

Cet écrit présente le cheminement qu’un groupe de six jeunes et une psychologue traverse pour mettre des mots sur tout ce que l’inattendu peut susciter. Les effets de surprise, la peur de l’inconnu, l’angoisse, le manque et le désir se dessinent à travers leurs dires habillés de métaphores et de rimes.

Si l’inattendu se veut le premier moteur de cet atelier, peut-il aussi en devenir une finalité ?