Paradoxe de l’attente de l’inattendu éclair

Comme une exclamation face aux yeux des vivants éphémères, un éclair d’or fend l’azur éternel et s’enfonce dans la terre pour s’unir avec les filons de la beauté précieuse. Les arts attestent la coïncidence aventureuse qui implique un lien paradoxal entre attente patiente et inattendu fulgurant, entre durée de la gestation (régression contenue, réanimation de l’inemployé refoulé via la rêverie, l’attention flottante) et éclat (insight, « pan ») de la trouvaille, attestation de perlaboration. La figure de l’éclair nous conduira depuis l’angoisse exquise de l’attente de la rencontre amoureuse jusqu’au coup de foudre dont les arts sont les paratonnerres. La Tempête (1506) de Giorgione a inspiré les analyses de Paul-Claude Racamier et de Michel Serres appliqués, dans la même veine que Winnicott, à montrer la valeur heuristique des paradoxes. Après cette icône de la triangulation familiale originaire sous le coup de la foudre divine, nous nous transporterons dans l’art moderne contemporain des enfers de deux guerres mondiales qui n’ont pas cessé d’augmenter ni de dévoyer la puissance destructrice des armes à feu. Dans le voisinage des bifurcations inattendues cubistes, surréalistes, abstractionnistes, Robert Delaunay a inventé l’orphisme et ses rayonnements circulaires comme des arcs-en-ciel. Ce type d’auréole multicolore, signe d’après-coup des orages, est le symbole des pouvoirs d’Orphée, capable de séduire les interdits, de franchir les limites, de revenir des Enfers, mais aussi de sa fin terrifiante. Claude Barrois verra dans ce mythe le paradigme des pathologies post-traumatiques. La guerre aussi peut arriver avec son cortège de foudroyés !