Rythmes dansés et pulsions indomptables

L’injonction surmoïque et paradoxale « Reste mince et mange », qui fait suite à « Sois belle et tais-toi », autorise au nom d’un but idéalisé (rester mince) à ne pas renoncer à satisfaire ses pulsions boulimiques et à manger puis à se faire vomir. À partir des limites rencontrées dans les thérapies de patientes et patients souffrant d’obésité (entre autres), nous nous interrogeons sur les ravages de telles injonctions paradoxales autorisant un « système » pervers produit par les discours bio-psycho-socio-politico-médiatiques.

Si le langage introduit une temporalité qui permettrait de dompter les pulsions brutes, notamment orales et dévoratrices, dans le cadre du transfert, qu’en est-il lorsqu’il n’est pas efficace ? Lorsque le trauma est ancré dans le corps et dans le réel du corps ?

Les chorégraphies dansées sur les rythmes traditionnels des percussions africaines, adaptées à des sujets souffrants dans leur corps d’atteintes psychosomatiques plus ou moins graves, nous aideraient à renouer avec la possibilité d’une langue dansée, notamment lorsque ces sujets ont subi des mutilations chirurgicales traumatogènes (by pass, sleeves, anneaux gastriques, etc.).

Cette langue, celle des percussions traditionnelles africaines, à l’œuvre depuis des temps anciens, produit d’une culture et par conséquent d’une collectivité, permettrait d’introduire une temporalité entre la pulsion brute et destructive (boulimique) et le besoin, instinctif et impératif, de la combler. Nous avions constaté que les mesures des indices de masse corporelle (IMC) ainsi que les thérapies comportementales et cognitives généraient souvent l’effet inverse de ce qu’elles préconisaient : c’est-à-dire un emballement des pulsions boulimiques et une aggravation de l’obésité. Celle-ci étant devenue une épidémie qui ne cesse de se développer.

Cette hubris des temps moderne œuvre en silence dans les corps, comme tant d’autres de ses tentacules détruisant des cités (urbicides). De l’appel des tambours à l’appel des sirènes, un parcours reste à visiter.